Comment intégrer l’innovation au cœur des achats
Si l’innovation est sur toutes les lèvres, elle peine à se traduire par des actions concrètes dans les organisations
Si l’innovation est sur toutes les lèvres, elle peine à se traduire par des actions concrètes dans les organisations. C’est en somme l’une des conclusions de l’Observatoire des Achats et de l’Innovation, suite à une étude menée en 2022 auprès d’acheteurs de plus de 200 entreprises de tous secteurs. Elle révèle que l’innovation au sens large (développer l’innovation, mettre en œuvre une politique RSE, participer au business développement, réaliser des veilles) « reste encore marginalement prioritaire pour les organisations achats avec une présence de 11 % à 25 % d’une de ces missions dans les cinq premiers objectifs affichés. L’observatoire met également l’accent sur la « faible implication systématique des achats dans les projets d’innovation. » Il souligne en outre que plus les acheteurs sont impliqués tôt dans les projets d’innovation, plus ils sont susceptibles d’apporter de la valeur. Malgré ce constat en faveur des démarches innovantes, les directions achats restent souvent peu engagées dans ce sens. Seulement 43 % des personnes interrogées indiquent être « toujours impliquées » ou « la plupart du temps. »
Tous les domaines d’activité semblent concernés par des manquements en matière d’innovation, avec parfois des constats très antinomiques : « dans la grande distribution par exemple, les données remontées vont d’un extrême à l’autre. Certains acheteurs sont restés de véritables cost killers dans leurs pratiques, avec des KPI et des attentes qui ne dépassent pas la question du prix, alors que d’autres se montrent très enclins aux initiatives innovantes, en cherchant à privilégier des fournisseurs alternatifs dans le but de faire évoluer les achats vers de nouveaux enjeux, en intégrant de nouveaux critères », explique Romaric Servajean-Hilst, professeur-associé Kedge Business School et directeur académique du MAI Executive education.
Romaric Servajean-Hilst, professeur-associé Kedge Business School et directeur académique du MAI Executive education
Les clés d’une démarche d’innovation réussie
« Innover dans la fonction achats est aujourd’hui un besoin, même si la démarche n’est pas toujours formulée comme tel », ajoute-t-il. « Il en va des gains d’efficacité, d’agilité, mais aussi de conformité, dans un où contexte, les entreprises cherchent plus que jamais à avoir une longueur d’avance sur leurs concurrents. »
Plus concrètement, il paraît difficile, pour ne pas dire impossible, d’innover sans transformation digitale interne. L’enjeu de fluidification de l’acte d’achat est primordial, ce qui passe par une simplification des étapes et processus, du sourcing au management du contrat, en passant par la gestion des commandes, de la facturation. Il en ressort des gains de compétitivité non négligeables. L’automatisation s’applique et représente une valeur ajoutée pour de nombreuses tâches : l’identification de fournisseurs et sous-traitants classiques, sur des marchés établis, la récupération de données concernant leurs profils, relatives à l’évaluation des risques lorsqu’il s’agit d’envisager des collaborations, l’édition de documents récurrents… Libérer du temps sur toutes ses opérations automatisables, mais indispensables permet de mieux se consacrer au relationnel avec le sous-traitant, à l’anticipation de risques éventuels, aux développements et opportunités possibles, à l’évolution des marchés et du paysage concurrentiel. « Il s’agit aussi par exemple d’améliorer le taux de couverture des achats, c’est-à-dire d’éviter le plus possible les achats dits « sauvages » qui se font en dehors des procédures en place, en raison de la lourdeur de celles-ci », souligne Romaric Servajean-Hilst. Autre traduction concrète de l’innovation, synonyme de levier fort : l’interconnexion digitale avec les sous-traitants et fournisseurs. « Elle conduit à asseoir les communications, à gagner en fiabilité dans les collaborations.
Elle permet une connaissance mutuelle à tout instant des garanties qualitatives, des provenances des matériaux et produits, des traitements appliqués ou non. L’interconnexion peut passer par de simples partages documentaires via des outils comme Dropbox, ou être bien plus poussée, comme dans le cas d’intégration technique dans le domaine de la construction », poursuit-il.
Enfin, la gouvernance joue un rôle déterminant dans une dynamique d’intégration d’innovation. Plusieurs point sont ainsi à soutenir :
- l’harmonisation des pratiques de référencement des fournisseurs au sein des donneurs d’ordre
- le fait de favoriser l’autonomie et les collaborations entre acteurs d’un même écosystème
- l’identification de profils d’intra-entrepreneurs au sein des équipes, capables d’évangélisation sur des modes de travail d’avenir
- la promotion de fournisseurs ou sous-traitants étant eux-mêmes innovants
« Une telle approche portera toujours mieux ses fruits si l’impulsion est donnée par la direction générale », conclut Romaric Servajean-Hilst.